Ces auteur-e-s afros qui cartonnent sur les réseaux sociaux
Cet article fait suite à un post Facebook qui incitait les artistes, plus précisément les écrivains à utiliser les réseaux sociaux.
Ces plateformes sont de véritables espaces de liberté,de créativité et de business, surtout lorsque l’on sait les manipuler pour les mettre au service de notre activité. Il est possible aux écrivains d’y créer une relation directe avec leur lectorat acquis et de nouveaux lecteurs potentiels.
Cependant, comment encourager les auteur-e-s réticents à les utiliser ?
Cet article est ma manière de donner des astuces à ceux qui veulent s’initier aux réseaux sociaux mais ne savent pas comment s’y prendre.
Sur internet, l’une des règles consiste à s’inspirer les uns des autres. Même si vous n’êtes pas créateur de contenu sur les réseaux sociaux, en y étant inscrit, vous en consommez.
Avant de se lancer, commencez par observer les comptes des écrivains actifs sur les réseaux mais surtout ceux qui” font bien”.
Ma définition de “Faire bien” sur les réseaux , consiste à réussir à fédérer une communauté autour de son activité et régulièrement interagir avec elle afin de bâtir une relation de confiance.
Voici quelques exemples d’auteur-e-s qui fédèrent une communauté. Je me concentre sur Facebook, Twitter et Instagram car ils sont les plus utilisés par les écrivains.
1- FACEBOOK
Même s’il a la réputation d’être devenu un “réseau social pour les vieux” et malgré la crise de confiance que la plateforme traverse suite à de nombreux scandales, Facebook reste le premier réseau social au monde avec ses 2.5 milliards d’utilisateurs actifs dans le monde.
Hemley Boum
Quand j’ai demandé à la famille Instagram quels auteurs afros, elle suivait sur les réseaux sociaux, l’une des réponses a été : Hemley Boum et ses boys sur Facebook !
Hemley Boum est une écrivaine camerounaise qui a publié quatre romans dont “Les maquisards” en 2015 aux éditions La Cheminante et premier lauréat du Prix littéraire Les Afriques en 2016 .
Son profil personnel comptabilise plus de 1000 abonnés et 4537 amis. Concrètement cela signifie que plus de 5000 personnes sont susceptibles de voir ses publications.
Ses posts consistent en des commentaires et analyses de l’actualité. Elle partage les événements qui l’intéressent ou auxquels elle participera.
Mais l’engagement est le plus fort lorsqu’elle partage ses billets d’humeur ou les mésaventures avec ses boys. L’engagement correspond à l’ensemble des interactions que suscite une publication (like, commentaires, partages).
D’un point de vue de “gestion de communauté”, H. Boum répond très peu aux commentaires sous ces posts, ce qui n’empêche pas ses “amis” d’y avoir des échanges entre eux. Le post continue donc d’être alimenté en commentaires, augmentant ainsi son taux d’engagement. L’algorithme Facebook interprète cette information comme un signal que le post est intéressant et le montre à plus de personnes.
Un exemple de post ayant récolté un fort engagement est celui du 20 mars 2020.
Le contenu proposé par l’écrivaine convient à sa cible qui sont les amis ou abonnés qui interagissent avec ses posts. Elle a réussi à installer une communauté autonome mais les possibilités offertes par son profil sont mal exploitées.
Nous accédons majoritairement aux réseaux sociaux grâce aux applications mobiles. Ci dessus la vue mobile du profil de l’écrivaine. C’est la première page qui apparaît en tapant son nom dans le moteur de recherche Facebook.
Il y a une photo de profil où elle est reconnaissable. Il est conseillé de privilégier les fonds clairs. La bannière représente la couverture de son dernier roman Les jours viennent et passent publié chez Gallimard.
La photo est floue et sa dimension n’étant pas adaptée à la bannière Facebook, il faut cliquer pour avoir l’ensemble des informations de l’image.
La section “A propos” n’est pas renseignée. Aucun élément n’indique son statut d’écrivain. Ces livres précédents ne sont pas mentionnés et il n’y a pas d’informations de contact professionnels. Compléter cette section permettrait d’optimiser son profil et d’intéresser de nouveaux lecteurs.
Certains diront que pour un écrivain, il est indispensable d’avoir une page auteur c’est-à-dire, une page professionnelle d’écrivain. Je suis moins radicale, car tout dépend des objectifs de l’artiste.
Il est vrai qu’une page professionnelle sur Facebook, est calibrée pour mettre certaines informations professionnelles en avant. De nombreuses fonctionnalités liées aux pages permettent son développement comme par exemple les statistiques des pages qui donnent des informations sur le comportement de vos fans vis à vis du contenu que vous leur proposez.
On ne peut cependant ignorer que Facebook est un média payant pour les pages professionnelles. La visibilité des posts pour une page professionnelle a un coût. Pour augmenter la visibilité des posts, il faut faire de la publicité.
Une façon de contourner cela est donc d’utiliser un profil personnel et je peux comprendre ce choix. Cependant il y a un minimum d’informations nécessaires à renseigner pour calibrer un bon profil personnel utilisé à des fins professionnelles.
- Veillez à bien renseigner votre section “A propos”, sachant que vous pouvez y ajouter un lien.
- Mettez des informations de contact et des éléments biographiques qui précisent votre activité.
- Surtout faites le lien avec d’autres plateformes sur lesquelles vous êtes actifs.
Bien entendu, même si vous utilisez votre profil personnel à des fins professionnelles, vous ne pouvez vous affranchir d’une stratégie de communication.
Facebook permet de partager de longs textes dans les posts, jusqu’à 63 206 caractères (source: le blog du modérateur), ce qui est avantageux pour les écrivains. Les textes,plus ou moins longs, publiés sur les profils de nombreux auteurs sont lus, commentés et partagés par les membres de leur communautés. Les internautes ont tendance à lire entièrement un contenu qui leur semble intéressant.
La décision d’utiliser son profil personnel pour communiquer, à l’instar d’ Hemley Boum, me semble pertinent, d’autant qu’elle partage très peu sur sa vie privée. De plus, Facebook déclare privilégier les relations entre individus. Dans les grandes lignes, l’une des conséquences est que le contenu publié sur le profil personnel est montré à tous vos amis ou plutôt à ceux parmi vos amis qui interagissent le plus avec vos posts.
Hemley Boum est douée dans la constitution et la gestion de communauté. Elle a réussi à proposer un contenu en accord avec ce qu’elle veut offrir au monde et ce contenu a rencontré son lectorat. Cependant il manque une présentation cadrée et valorisante de son travail sur cette plateforme où elle jouit d’une grande visibilité.
Ce réseau social est très prisé par les journalistes, les spécialistes de divers domaines d’activités souvent nommés influenceurs et les écrivains.
C’est un réseau social dont les codes sont souvent incompris, car Twitter est une conversation géante. Vous devez donc y prendre la parole, participer aux échanges.
Le format limité à 280 caractères rebute les uns et représente une occasion d’être concis et percutant pour les autres: parfois un véritable exercice de style.
Au travers des exemples de ces auteur-e-s voyons ce qui peut être fait sur ce réseau social.
Elnathan John
Elnathan John est un écrivain nigérian bien ancré dans son époque. En 2019, il a remporté le Prix Les Afriques, pour son roman Né un mardi publié aux éditions Métailié. Prix littéraire remis chaque année par l’association de lecteurs suisse la CENE Littéraire.
Ceci étant dit et malgré ma totale partialité vis-à-vis de ce prix littéraire dont je suis membre du Comité de lecture, je peux vous assurer que King John maîtrise l’usage de Twitter pour sa communication.
En arrivant sur sa page, il y a la bannière avec son premier roman Né un mardi. L’image est bien cadrée et nette, la disposition des couvertures sur l’image permet de toutes les valoriser. Le message est clair: je suis fier de mon premier roman, traduit dans plusieurs langues.
Suit une photo de profil claire ainsi qu’une biographie concise. Le choix des mots de sa présentation professionnelle n’est pas anodin.
Twitter permet aussi de mettre des liens dans la biographie. L’écrivain ne se prive pas de renvoyer vers des sites de vente de ses romans. Sa biographie renseigne en dernier le lien vers son site web qui est “responsive”, c’est-à-dire qu’on peut aisément le consulter sur des écrans de différentes tailles.
En terme de posts, Elnathan John tweete au moins une fois par jour. Il se décrit comme satiriste donc se tient au courant de la vie politique et sociale de son pays dont il commente les informations avec une pointe d’humour caustique. Il ouvre ainsi une conversation avec ses followers qui sont majoritairement nigérians. En répondant aux commentaires, il entretient la conversation avec sa communauté, augmentant la visibilité de ses tweets.
Le ton choisi par l’écrivain est à la fois ironique, humoristique et engagé. C’est une ligne éditoriale prisée sur Twitter car il faut y être bref, concis et percutant. Nombreux sont les followers qui retweetent ses posts.
Twitter est son réseau social de prédilection, il y investit du temps et a su créer une communauté qui suit son travail d’auteur.
Laura Nsafou
Laura Nsafou aka Mrs ROOTS fait partie de la communauté des afroféministes de Twitter. Bloggueuse depuis 2013 sur mrsroots.fr , elle nous embarque au fil de ses articles dans sa démarche afroféministe et ses quêtes identitaires. Auteure d’un premier roman À mains nues, publié en 2017 aux éditions Synapse, elle a poursuivi son aventure éditoriale en se tournant vers les livres pour enfants. Avec Comme un million de papillons noirs publié en 2018 et Le chemin de Jada en 2020, elle s’engage plus en avant dans la défense d’un paysage littéraire divers en France, avec des livres où chaque enfant se sent représenté.
Ce qui est intéressant dans le compte Twitter de l’auteure, c’est la manière dont ses différentes casquettes d’activiste, bloggueuse, écrivaine, s’imbriquent naturellement. Elle communique sur les réseaux, en naviguant aisément entre ces univers et sa communauté n’est pas perdue.
On retrouve ainsi parmi ses posts, ses analyses sur l’actualité française, ses prochaines rencontres et signatures de livres, ses coups de cœurs et retweets sur différents thèmes. Bref Laura Nsafou est dans une dynamique de partage sur Twitter.
Twitter est ainsi une de ses plateformes de prédilection pour militer en faveur de l’émancipation des personnes racisées en France au travers de ses écrits.
Vous l’aurez compris l’activisme d’un écrivain et la vente de ses livres ne sont pas mutuellement excluants. Bien utilisé Twitter peut s’avérer être une mine d’or. Les lecteurs passionnés y viennent pour discuter directement avec leurs auteurs préférés. Vous êtes directement en contact avec votre cible et les contenus que vous partagez ont la possibilité de devenir viraux car les tweets sont publics.
Si vous voulez en savoir plus sur le travail de ces auteurs, leurs sites web sont renseignés dans leur bio Twitter.
The place to be, actuellement. Ce réseau social ayant au départ pour vocation de partager de belles images a évolué depuis son rachat par Facebook en 2012. Chaque nouveauté introduite par Instagram est prise d’assaut par ses utilisateurs qui l’adaptent à leurs usages.
Comment s’y prendre lorsqu’on manipule des mots pour s’en sortir sur un réseau social dédié aux images ?
Nous allons le voir à travers le portrait de ces deux autrices.
Alexandra Elle aka @alex_elle
“Alexandra Elle est une auteure et consultante en bien-être. Elle vit dans la région métropolitaine de Washington, DC avec son mari et ses enfants. L’écriture est entrée dans sa vie à travers la thérapie et l’exploration de la guérison par la tenue d’un journal.” Source son site web
Vous l’avez remarqué, Instagram permet de mettre un lien et de mentionner d’autres comptes. Alex Elle a choisi de mentionner la page dédiée au podcast qu’elle anime et d’inviter les personnes à s’abonner à sa newsletter grâce au lien affiché en dernier.
Sur son feed, lieu où se trouvent toutes les images publiées sur son profil, on trouve des extraits de ses livres, des mantras, des photos d’elle et sa famille (très peu), des citations. Elle partage ses expériences de vie surtout autour de la famille, la maternité et les problématiques des femmes noires. Les thèmes qu’elle aborde sont cohérents avec son activité de coaching en bien être.
Le feed est organisé pour mettre en valeur les écrits, grâce à des couleurs coordonnées et l’ajout de photos travaillées et de haute qualité.
Esthétique et créativité sont convoqués dans le feed d’Alex Elle. Les citations ou mantra sont parfois écrits sur des bouts de papier ou des post-its mis en scène pour créer une ambiance à la fois chaleureuse et intime. Cependant, cette intimité s’arrête à ce stade car comme la majorité des gros comptes instagram ( +100k de followers) qui ne font pas appel aux services d’un community manager, elle n’interagit pas avec ses followers en commentaires.
Mais sa communauté reste engagée car elle continue de commenter et partage énormément ses posts, surtout en stories.
Hormis cet aspect de réponse aux commentaires, Alex Elle use des bonnes pratiques d’Instagram pour développer et entretenir sa communauté. Elle fait la promotion de son activité en apportant une valeur ajoutée à ses followers.
Madina Guissé aka @lacomtessedaventures
Madina Guissé est une jeune femme de 33 ans ayant travaillé dans la communication. En 2016 elle décide de se lancer dans sa passion: l’écriture.
Aujourd’hui, après la publication de deux tomes de Néïba-je-sais-tout, elle se lance dans l’aventure du podcast. Tous ces éléments sont parfaitement renseignés dans sa biographie sur le compte @lacomtessedaventure.
L’autrice des Néïba, je-sais-tout a commencé à partager avec ses followers son aventure dans l’autoédition en mai 2017. Elle tenait à vivre l’expérience de la publication de son premier livre pour enfant, illustré par @lylyblabla, comme une aventure entrepreneuriale.
Pour commencer, Madina Guissé a mis le livre en prévente. Afin d’encourager sa communauté à acheter le livre alors même qu’il n’était pas imprimé, elle a fait une série de publications autour des personnages du livre et mis à disposition de ses followers les premières pages du livre. Un bon moyen de montrer à quoi s’attendre sans trop en dévoiler.
Puis nous avons suivi la naissance du livre en version papier. Madina Guissé a partagé la réception des exemplaires fraîchement imprimés et leur envoi, impliquant ainsi chaque membre de sa communauté dans la naissance de ce premier tome de Neiba. L’auteure nous a aussi partagé des images de ses jeunes lecteurs en pleine lecture du livre envoyées sans doute par leurs parents. On reste vigilant sur le droit à l’image, surtout des mineurs.
Les autres types de posts partagés sont des partenariats, la participation à des événements, des signatures de livres, des interviews de l’autrice et des citations d’empowerment des plus jeunes, des témoignages de clients… Madina Guissé prend le temps de répondre aux commentaires, partage des petits bouts de sa vie, et ce, de façon réfléchie.
Il est évident que cette promo a été mûrement élaborée en amont, c’est une professionnelle de la communication. A l’époque du premier tome, elle n’avait pas autant de followers qu’aujourd’hui sur son compte Instagram, environ 1000 mais elle a néanmoins lancé sa campagne de prévente.
Ce qui a aidé à faire connaître son travail ? Les partages de publications de la part de ses followers, ses partenaires professionnels ainsi que ses clients et cette façon d’entamer une relation personnalisée avec chaque personne qui prenait la peine de commenter ses posts. De plus elle s’est appuyée sur les nouveaux outils en ligne (plateforme de paiement, pot commun…) pour faire naître son projet d’autoédition. L’aventure de la sortie du premier tome illustre que sur les réseaux sociaux, le maître mot est la persévérance. Il faut trouver le moyen de susciter l’engagement de la communauté autour de votre travail, voire de votre personne, pour y arriver.
Environ un an plus tard, Madina Guissé se lançait dans une campagne de crowdfunding pour sortir son tome 2 de Néïba je-sais-tout. Cette aventure est tout aussi belle que la précédente. Je vous laisse aller lire les posts sur son Instagram, allez voir et peut être en profiter pour rencontrer Néïba.
Dans cet article, j’insiste sur l’aspect de renseigner une biographie travaillée sur les réseaux sociaux car c’est votre carte de visite. C’est la première chose avec la photo et vos bannières, que l’on voit en arrivant sur vos profils. C’est une image de vous que renvoyez à vos lecteurs acquis ou potentiels, donc une opportunité d’entamer une relation avec eux.
En très peu de mots vous pouvez instantanément faire comprendre aux internautes, followers et surtout des acteurs de votre métier, comment vous vous percevez, quelle est votre valeur ajoutée en tant qu’auteur-e et vos éventuelles spécialités. Le seul investissement à faire ici: prendre le temps de bien remplir ces sections.
Avec l’avènement des smartphones, les plateformes sociales nous sont accessibles partout et tout le temps. Vous pouvez donc potentiellement entrer en relation avec des milliers de personnes.
Le grand nombre d’outils gratuits disponibles sur le net, vous permet de prendre en main votre communication. Vous maîtrisez votre image tout en promouvant votre travail. L’autre alternative est de faire appel à un professionnel, donc d’y mettre les moyens.
PS: Cet article au départ contenait en second exemple Facebook, le profil de l’écrivaine Françoise Vergès. N’étant pas afro descendante j’ai dû la retirer de la liste. Elle reste cependant un bon exemple d’écrivain qui a su créer et gérer une communauté d’internautes autour de son travail.
Merci à Anne, Héloïse, Nina et Annette pour les conseils et relecture.
Excellent article ! Encore merci pour ces précieux conseils
Merci beaucoup d’être passée!