Cotisations et familles





Ça y est, je sais pourquoi parfois je n’aime pas participer aux cotisations familiales. Si votre famille est comme la mienne, en cas de décès ou de mariage vous êtes sollicité pour une contribution.

Pour commencer, le montant de cette contribution varie selon la personne. Quand tu demandes pourquoi l’un reçoit plus que l’autre, les raisons avancées sont bancales et en insistant un peu tu as droit à ” fais seulement, c’est la famille”. Argument ultime qui dans la bouche de certains sonne comme une garantie, un label qualité.

J’ai lu le livre de Robert Cialdini “Influence et Manipulation- l’Art de la persuasion”. Je l’ai acheté pour ma formation professionnelle mais il a dépassé mes espérances.

Pour vous situer un peu, “Robert Cialdini est psychologue social américain spécialiste de l’étude de la persuasion, la négociation et la complaisance.” Dans son livre, il montre grâce à des recherches et des expériences, les principes psychologiques qui se cachent derrière certaines de nos prises de décisions.

Ce qui m’a plu dans le livre c’est qu’il explique que les règles de persuasion citées profitent aux sociétés et généralement sont bénéfiques. Raison pour laquelle elles sont si puissantes. Seulement certains individus les détournent pour tirer profit des autres. “Ces principes psychologiques qui influent sur notre tendance à satisfaire une requête”, Robert Cialdini les appelle les armes d’influence.

Il a répertorié 6 principes fondamentaux dans ce livre, qu’il dit exister dans toutes les sociétés humaines :

  • La cohérence
  • La réciprocité
  • La preuve sociale
  • L’autorité
  • La sympathie
  • La rareté.

Le livre est riche en expériences, parfaitement expliquées, cite des exemples d’applications de ces principes mais surtout donne des pistes pour apprendre à dire ” Non” lorsque ces principes sont utilisés pour nous manipuler.

Pour en revenir à mon affaire de cotisations, je me suis toujours demandée pourquoi certaines demandes me mettaient mal à l’aise. Parfois j’avais l’impression qu’on me forçait la main. Grâce à ce livre j’ai repéré au moins 3 éléments sur lesquels reposent le système de cotisations dans ma famille.

Le principe de réciprocité

“La règle est qu’il faut s’efforcer de payer de retour les avantages reçus d’autrui…. Il est considéré comme normal que le fait de recevoir crée une dette.”

“La règle a été établie pour encourager le développement de relations réciproques entre les individus, de sorte que quelqu’un puisse entreprendre une telle relation sans risquer de s’y perdre.”

“Rappelons aussi que les relations de réciprocité sont un grand avantage pour les sociétés où elles s’établissent, et qu’il y aura donc une forte pression sociale en faveur de la règle.”

On insiste ici sur l’échange entre deux individus donc deux personnes. Mais dans notre cas, l’individu en face peut être La famille ! Cette dernière devient un monolithe qui efface les individualités et c’est pourquoi cela me pose problème.

Pourquoi cotiser pour quelqu’un que je ne connais pas ou avec lequel je n’ai établi aucune relation ? 

Plusieurs raisons, mais une de celles qui m’exaspère le plus: Parce que c’est l’enfant ou le frère de quelqu’un qui a cotisé pour toi.

J’appelle ça , l’arbre qui cache la forêt. Je ne cotise pas seulement pour qui a cotisé pour moi. Cette dette peut s’étendre à sa lignée (enfant, frère, sœur…).

Il y a donc une dimension héritée à ce principe de réciprocité auquel je n’ai absolument pas consenti. D’autant plus que parfois nous savons très bien que ces personnes qui “héritent” n’en feraient pas de même pour nous. Ci dessous, voici comment le livre l’explique.

“Il y a une autre propriété de la règle de réciprocité qui la rend aisément exploitable. Paradoxalement, bien que la règle ait été établie pour assurer l’équité des échanges, elle peut être utilisée pour produire l’effet opposé. La règle exige qu’une sorte d’action suscite une action du même ordre. Un service rendu doit être payé par un autre service, non par l’indifférence, encore moins par l’agression. Mais dans le cadre d’action similaires, il y a une grande marge de manœuvre.

Une petite action initiale peut créer un sentiment d’obligation assez fort pour faire consentir une faveur nettement plus importante.”

La preuve sociale avec comme condition : la similarité.

“Le principe de la preuve sociale fonctionne à plein lorsque nous observons le comportement des gens qui nous sont très semblables. C’est la conduite de ces gens qui nous donne l’indication la plus importante sur le comportement que nous devons adopter nous-mêmes.”

Donc cotiser dans certaines circonstances devient normal vu que ton entourage le fait. Ce qui me frappe aussi, c’est parfois le mécontentement général et exprimé face à certaines cotisations mais qui finissent tout de même par avoir lieu.

Cela montre bien l’importance de la pression sociale pour le maintien de la règle.

L’autorité et La sympathie

Je rassemble ces deux principes car c’est souvent ce que représente la personne qui perçoit les cotisations ou en informe les autres.

“…toutes sortes de professionnels de la persuasion connaissent bien la force qui nous pousse à dire oui à quelqu’un que nous connaissons et que nous apprécions.”

“C’est qu’il est beaucoup plus difficile de refuser d’apporter sa contribution quand c’est un ami ou un voisin qui vous le demande.”

” Un sentiment de déférence envers l’autorité existe au fond de nous tous”.

Ce n’est pas anodin si la personne qui perçoit les cotisations ou comme on dit chez nous “tient le cahier de la famille”, est soit une personne jouissant d’un droit d’aînesse, soit quelqu’un perçu comme sympathique ou quelqu’un qui jouit d’une position d’autorité par procuration.

Qu’en est-il lorsqu’on ne se sent pas redevable ? Tout ceci ressemble à une mascarade.

Les privilèges hérités par certains sont une composante qui fragilise la structure familiale dans la mesure où cela mène à des situations d’injustice. Dans la famille tout le monde doit jouir des mêmes droits.

“C’est la famille” est un joli concept quand les membres qui la constituent tissent des liens interpersonnels. Il est nécessaire d’apprendre à se connaître et se respecter. L’autre composante dans ce concept “la famille” reste la transmission.

Parfois dans nos grandes familles il manque des explications sur les liens qui nous unissent. Lorsque les parents, oncles, tantes racontent des histoires les concernant aux enfants, cela crée des points d’ancrages, des bases sur lesquels perpétuer les liens familiaux. Donc dire “c’est la famille” ne suffit pas à faire perdurer des structures que les aînés ont mis en place.

Tu peux te dire Chrystelle pond un article pour justifier sa radinerie, c’est possible. N’empêche que les arguments cités là haut expliquent le sentiment d’injustice que je peux ressentir vis à vis de certaines demandes de cotisations.

“Influence et Manipulation- l’Art de la persuasion” de Robert Cialdini, en plus d’être fondateur pour les professionnels du marketing est un outil pour appréhender de nombreux processus de prises de décisions, surtout dans un monde où nous sommes constamment sollicités.

Il est évidemment à mettre entre toutes les mains!

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